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Le RSA sous condition n’existe pas encore par l’échelle nationale. Cela dit, il concerne déjà beaucoup de Français. Et pour cause : cette réforme est en cours d’expérimentation dans 47 départements, depuis un an. Dans le Rhône, une mère de famille a même déjà été sanctionnée, en perdant son RSA. Avant que la justice ne lui donne raison.
En effet, avec le RSA sous condition, les allocataires ont des obligations à respecter. Cela passe par un accompagnement, avec des rendez-vous. Et jusqu’à 15 heures d’activité par semaine imposées aux bénéficiaires, selon les cas. Formations, ateliers… Ces « activités » peuvent prendre de diverses formes. Un point qui inquiète plusieurs associations, à l’image du Secours Catholique. Après plusieurs mois à recueillir des témoignages, ces organismes dénoncent une réforme inefficace pour remettre les publics à l’emploi. Qui renforcerait même la précarité de la population dans certains cas. Avec la participation Aequitaz et ATD Quart Monde, le Secours Catholique vient de rendre ses conclusions sur la réforme…
Le RSA sous conditions, ou comment décourager les Français éligibles
C’est un rapport d’une vingtaine de pages que les 3 associations ont mis en ligne ce lundi 14 octobre. On y découvre les déconvenues vécues par plusieurs allocataires. Les dérives constatées du côté des référents qui assurent le suivi. Ainsi, le RSA sous conditions accentuerait le non-recours. Alors même que les pouvoirs publics prétendent lutter contre cette tendance. Rappelons-le : environ 30 % des personnes éligibles n’en font pas la demande et ne perçoivent rien.
« Le Secours Catholique révèle qu’en un an, le taux de non-recours au RSA a augmenté de 10,8 % dans les départements qui expérimentent la réforme. Tandis qu’il diminue de 0,8 % dans les autres départements. Il peut s’agir d’une conséquence directe de cette réforme qui durcit les conditions d’accès au RSA ainsi que les sanctions. », précise le Secours Populaire dans un communiqué posté ce lundi. ,
Mobiliser les bénéficiaires gratuitement : un danger pour l’emploi
On entend souvent certaines personnes demander à ce que les allocataires soient mis au travail. Pour ramasser des déchets ou entretenir les jardins publics. En réalité, il s’agit là de vrais métiers. Pour lesquels des gens postulent déjà afin de gagner le SMIC. Si on envoie les bénéficiaires du RSA sous conditions faire ces tâches, la nécessité de recruter disparaît. Ce qui fait disparaître des emplois. Tout en contraignant des gens à travailler 15 h par semaine, sans recevoir de salaire. Pour 635,71 euros d’allocation. Un coût assumé par les finances publiques.
Ainsi, dans le rapport dévoilé par les associations, on découvre que certaines personnes ont dû végétaliser un cimetière dans l’heure, pour avoir droit au RSA sous conditions.
« Le maire de Villers-en-Vexin justifie de faire travailler des allocataires du RSA (…) “[car il n’y a] qu’un agent communal 15 heures par semaine et [qu’il n’a] pas les moyens d’embaucher du personnel. Pour les allocataires missionnés sur cette activité, il n’y a donc pas de perspectives d’embauche. Ni, à notre connaissance, de valorisation en termes de formation. », peut-on lire en page 8 du rapport.
Un récit qui contredit les promesses faites par Olivier Dussopt, il y a un an pile. Alors qu’il était encore ministre du travail.
« Ce n’est ni du travail gratuit, ni du bénévolat obligatoire. » , avait-t-il assuré aux associations, déjà inquiètes face à ce nouveau dispositif.
Étonnant, non ? Si vous vous réjouissez de voir les allocataires occupés de cette façon, il faut vous attendre à voir les emplois perdre de leur valeur. Après tout, pourquoi payer un salarié au Smic quand on peut exploiter ceux qui touchent le RSA, sans rien verser ? À terme, ce phénomène peut limiter la rémunération des salariés dans plusieurs secteurs.
RSA sous condition : l’accompagnement par les algorithmes
Les défenseurs de la réforme ont beaucoup insisté sur l’aspect humain. Arguant que les personnes sans emploi avaient besoin d’aide, via un référent. Et ce afin de réinsérer. Aujourd’hui, les associations dénoncent un suivi automatisé dans le cadre du RSA sous condition.
« À partir du dossier rempli par la personne, un algorithme évalue si celle-ci est plus ou moins éloignée de l’emploi et donc détermine l’organisme de prise en charge (France travail ou département). (…) Cela accroît la potentialité d’un parcours inadapté, d’exigences impossibles à respecter et donc de sanctions pouvant aller jusqu’à la radiation. », révèle le communiqué.
Un retour à l’emploi forcé et temporaire
Pour faire sortir les bénéficiaires du dispositif, France Travail et les départements n’hésiteraient pas à les orienter vers n’importe quel emploi. Dans le cadre du RSA sous condition, il y aurait donc des dérives. Imposant des postes qui n’ont rien à avoir avec les objectifs des allocataires. Sans se soucier de leurs difficultés.
« Ce projet de loi tend à forcer le retour à l’emploi des personnes au RSA. Et notamment dans les métiers en tension. Or bon nombre d’allocataires, du fait de leur état de santé, sont en incapacité d’occuper ces emplois qui présentent bien souvent des conditions de travail difficiles. »
Pire : ces retours à l’emploi ne seraient pas durables.
« Pour l’essentiel des “sorties en emploi”, il s’agit de contrats précaires de moins de six mois. Donc insuffisants pour avoir droit au chômage et éviter, en fin de compte, un retour au RSA. »
L’avis de Sophie Rigard sur le RSA sous condition
Chargée de projet au sein du Secours Catholique, elle dénonce les clichés qui pèsent sur les allocataires.
« Vivre avec 600 euros par mois est un combat de tous les jours. Les personnes que nous rencontrons sont très loin de l’éternel cliché de l’assisté, ayant besoin d’être “activé” ou “remobilisé”. Que certains responsables politiques veulent leur appliquer. Ce cliché est un poison, pour les personnes visées qui le ressentent comme une humiliation et une injustice. Mais aussi parce qu’il fonde toute une politique publique sur un postulat erroné. », écrit Sophie Rigard.
Enfin, quelques chiffres clés accompagnent ce rapport sur le RSA sous condition.
- Pour une personne seule, ce revenu ne dépasse pas 636 euros par mois. Et ce, en incluant les aides au logement.
- À titre de comparaison, le seuil d’extrême pauvreté est estimé à 811 euros par mois. Ce qui représente 40 % du revenu médian.
- Le RSA concerne 1,8 million de personnes en France.